Sortir sa musique, oui, la sortir sans connaître les périodes les plus "propices"... c'est plus risqué. Puisque près de 100.000 titres sortent par jour, toutes plateformes confondues, dans le monde, connaître les périodes à privilégier ou à éviter pour préparer ses sorties permet, en matière de communication et de retombées média (voire playlists!) de mettre toutes les chances de son côté. Car la clé d'une bonne sortie, c'est qu'elle soit entendue, mais aussi et surtout qu'elle soit partagée.
Je te donne quelques conseils pour t'aiguiller. Sache bien sûr que ce sont des conseils généraux qui sont à adapter en fonction de ta communauté, ton esthétique musicale et ta propre expérience! Les méthodes magiques n'existent pas, et ça je ne le répèterai jamais assez.
Alors oui, c’est rare que je prenne autant la parole de façon aussi subjective et frontale dans mes articles – j’en parle dans une newsletter que j’envoie à toutes les personnes qui télécharge un des outils de formation de Proxima (je te conseille vivement de télécharger la boîte à outils et le lexique de l’industrie pour commencer, mais j'ai aussi une formation plus poussée, appelée Mission pilotage de carrière, que tu peux retrouver dans l'onglet Formations du site).
Sans rentrer dans le même niveau de détail que cette newsletter, je suis contre sortir un titre toutes les six semaines pour beaucoup de raisons. Déjà, il faut savoir que cette injonction vient de Spotify, qui a dit que la régularité des sorties faisait « jouer l’algorithme » et que la régularité menait, en quelque sorte, à une meilleure visibilité sur la plateforme.
S’il y a bien évidemment des choses vraies dans ce que préconise Spotify, sortir un titre toutes les six semaines demande énormément de préparation (comprendre : anticipation, promotion, coordination de ses actions de communication et de distribution). Or, souvent, quand on démarre sa carrière artistique ou que l’on est en plein développement, on démarre seul-e, et on est plein de bonne volonté pour mener sa stratégie de sortie de façon optimale pour maximiser ses résultats – admettons, tu en es à ton deuxième EP et tu souhaites « faire les choses autrement » donc tu passes du temps sur Internet à chercher la bonne stratégie… et c’est peut-être d'ailleurs comme ça que tu es tombé-e sur cet article? (:
Je suis partisane des temps longs, et surtout partisane de l’anti-rush. L’industrie t’y mènera à un moment donné, au rush, parce qu’on y passe toutes et tous et qu’il y a des périodes qui s’y prêtent (la fameuse période septembre-décembre). Puisque le rush est inévitable, n’en faisons pas notre fer de lance et faisons les choses autrement, justement, en privilégiant la qualité plutôt que la quantité.
Pour « faire les choses autrement » comme je dis, il faut d’abord se familiariser avec un concept tout simple : on ne sort pas un EP ou un album sans rien sortir en amont. C’est bien évidemment possible de sortir un EP sans sortir aucun single avant – et ça peut très bien se passer dans certaines conditions ! – mais ce serait dommage pour plusieurs raisons.
C’est en quelque sorte un « code » que de sortir, si ton EP contient 5 titres par exemple, au moins un ou deux singles en amont (attention, 5 titres, c’est souvent le minimum requis pour les demandes de subvention!). Ce n’est évidemment pas obligatoire – c’est toujours à analyser en fonction de tes envies, dans un premier temps, et surtout en fonction de ton projet artistique.
Ceci dit… sortir un ou deux singles en amont permet deux choses. La première, c’est que tu concentres ton premier message sur un seul titre. Si c’est ta première sortie, c’est une bonne manière de présenter (une partie de) ta musique et de tes sonorités musicales à ta nouvelle audience. La deuxième, c’est que ça permet d’étaler ta communication sur une plus longue période. Tu vas peut-être annoncer, avec ce premier single, la sortie d’un EP quelques semaines plus tard… donnant donc à cet EP une chance d’être promu sur une plus longue période plutôt que sur un planning de deux ou trois semaines.
L’usage, il est vrai, veut qu’on laisse au moins six semaines entre chaque titre. À titre personnel, lorsque j’accompagne des artistes en gestion de projets, j’aime laisser entre 2 et 2 mois et demi entre les titres (soit 8 à 10 semaines) pour te permettre, si tu en as l’envie, de préparer un clip, de communiquer sur le tournage du clip lui-même, de décortiquer la manière dont tu as composé et/ou écrit ton titre si tu souhaites partager tes coulisses, de préparer une version acoustique ou un remix que tu ne partages que sur les réseaux sociaux, de communiquer sur les influences de ce titre sur Spotify dans une playlist que tu promeus ensuite sur tes réseaux… et j’en passe. Laisser deux mois entre chaque titre te permet de laisser la communication se faire de façon naturelle et non pas poussive.
Aussi, admettons que ton titre prenne bien sur TikTok, ou que quelqu’un le reprenne sur les réseaux et que la popularité de ton titre monte organiquement… aurais-tu envie de sortir dans la foulée un nouveau titre? Eh bien non, parce que ce serait mettre fin à un momentum qui monte petit à petit. Joue au contraire de cette popularité nouvelle et crée quelque chose avec ta communauté autour de ce titre! Pourquoi pas, si tu es un-e artiste de musique électronique, un challenge de remix avec les stems de ton titre. Si tu es un-e artiste de pop, pourquoi pas proposer à la communauté de faire son propre couplet et sortir une version alternative de ton titre avec celui qui a le plus retenu ton attention. Les possibilités sont infinies.
En tout cas, voilà un planning fictif et réaliste pour un-e artiste qui évolue seul-e ou en petite équipe indépendante :
- un premier single début février (avec un clip par exemple)
- un deuxième single fin mars (avec une live session acoustique mi-avril pour relancer l’intérêt, par exemple)
- une sortie d’EP mi mai
- et pourquoi pas un clip pour l’un des titres phares deux à trois semaines après !
Avec un tel planning, tu te laisses le temps de préparer tous tes assets de communication, de bien planifier ta distribution avec ton agrégateur ou ton distributeur, d’analyser les retombées et d’ajuster au besoin, et de faire une vraie campagne de relations presse, avec ou sans attaché-e de presse.
Pour affiner ton planning, car il y a toujours un « mais » dans cette industrie… il y a des périodes à éviter. Cela ne veut pas dire que tu ne peux pas sortir de contenu à ce moment là, simplement, pour des raisons techniques et/ou promotionnelles, on évite ces mois-là en tant qu’artiste en développement.
Pourquoi on évite les vacances les plus importantes de l’année pour sortir sa musique ?
Si tu te souviens du temps où tu regardais la télé quand tu étais plus petit, tu te souviens peut-être que les programmes pendant les vacances ne sont souvent que des « best-of », surtout l’été et pendant la période de Noël. Ce n’est pas exactement la même chose dans la musique, mais ce sont aussi des périodes creuses, aussi bien parce que ce sont des vacances, mais aussi que…
… juillet et août sont la saison des festivals d’été. Tu n’auras pas vraiment de retombées presse durant cette période et la plupart des professionnel-les seront difficiles à joindre car ils et elles seront en tournée avec leurs artistes ou bien en vacances.
… décembre est une période creuse parce que ce sont les fêtes de fin d’année, qu’elles sont surtout dédiées aux compilations de Noël ainsi qu’aux récaps de l’année écoulée. Les curateur-ices des plateformes de streaming coupent même toute activité pendant au moins une semaine, et les distributeurs préviennent au début du mois de décembre d’anticiper les uploads sur les plateformes car les vacances approchent. Et, d’expérience (car je suis aussi journaliste web), je peux t’assurer que passé la première semaine de décembre, tous les journalistes sont en vacances!
Cela ne veut pas dire que tu ne peux pas sortir de contenu pendant ces périodes. C’est toujours le bon moment de faire, si tu as l’énergie pour tenir ce genre de contenus, de faire un calendrier de l’avent pour ta communauté – Bleu Berline a fait une reprise par jour sur ses réseaux jusqu’à Noël, par exemple – ou de faire une série d’auto-remixes par exemple si tu es un-e producteur-ice de musique électronique pour essayer de les faire jouer par des DJs pendant les festivals et open airs de l’été. Pense plutôt à des contenus alternatifs et n’hésite pas à ralentir le rythme, sans disparaître pour autant (sauf si tu le souhaites!) car ton audience sera, paradoxalement, peut-être un peu plus disponible pendant les vacances.
Enfin, le dernier mois quelque peu controversé dans l'industrie pour sortir un disque, c'est septembre. C'est le mois de la rentrée, c'est un mois très chargé, souvent marqué par le retour des artistes bien implantés qui vont occuper l'espace médiatique grand public avec une réédition d'un album, un best-of ou un nouveau disque. Ça ne veut pas dire que c'est une période fermée, simplement, les artistes en développement préfèrent en général la période du mois d'octobre ou de novembre pour prévoir leur sortie. Il faut aussi savoir que les demandes de subvention sont très chargées sur la fin d'année.
Comme je le disais au début, il n'y a pas de recette magique, et ces conseils sont à adapter en fonction de ton expérience, ainsi que de celle des autres artistes autour de toi si tu n'as pas encore assez de recul vis-à-vis de tes propres sorties. Une bonne manière d'affiner ta stratégie va être de regarder où ta musique est la plus écoutée et/ou achetée. Si tu es un groupe de rock qui vend majoritairement en concert, réfléchis surtout par rapport à tes périodes de tournées. Si tu es un-e artiste qui commence à accumuler une certaine notoriété, peut-être que la période de septembre n'est pas si mauvaise! Réfléchir en fonction de soi d'abord et non pas en fonction des standards de l'industrie d'abord va te permettre de personnaliser ta stratégie et de la rendre la plus humaine possible. Pas l'inverse.
Courage à toi dans ton processus de sortie! Et si tu ressens le besoin d'être accompagné-e dans la planification de tes sorties, discutons-en ensemble lors d'une session de consulting. Contacte-moi pour en savoir plus.
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